L’éthologie, branche de la psychologie animale qui étudie le comportement des animaux et s’étend aux moeurs humaines, nous permet de tenter le rapprochement entre l’enfant et l’animal. Des études très sérieuses ont déjà été faites et des ouvrages y sont consacrés.
Il est admis que l’enfant ne commence à prendre ses distances vis-à-vis de l’animal qu’à partir de l’utilisation du langage. En observant – sans être vu – des groupes de petits humains, on a pu constater que cette « meute » comportait, elle aussi, ses calmes, ses agressifs (pouvant être mordeurs) et ses leaders.
Ne disposant pas encore du langage comme moyen de communication, l’enfant utiliserait, au même titre que l’animal, certaines attitudes pour s’exprimer. On connaît la signification de la tête inclinée sur le côté qui signifierait : « donne-moi ceci ». On conseille d’ailleurs aux adultes d’adopter la même attitude pour inciter l’enfant à donner. Il est alors tentant d’effectuer le rapprochement avec toute une gamme connue de postures du chien : jeu, intimidation, combat, soumission.
Il y a là aussi un moyen de communication : l’animal semble vouloir s’exprimer en utilisant certaines attitudes caractéristiques d’une situation précise, jointes à des positions particulières des oreilles ou de la queue.
L’odorat jouerait un rôle important chez l’enfant. On a constaté qu’un petit acceptant difficilement d’aller à la crèche et s’y comportant très mal, fut « sécurisé » par le seul fait qu’on lui confia un mouchoir imprégné de l’odeur maternelle. On peut concevoir que le type de chien qui ne supporte pas l’absence des maîtres, pourrait, lui aussi, être « sécurisé » par la présence à ses côtés d’un morceau de tissu imprégné de leur odeur.
Le rapprochement est tellement tentant que nous pouvons aller au-delà. Voici certaines conclusions extraites de très sérieux ouvrages consacrés à la psycho-pédagogie du premier âge :
- Le petit enfant est d’une émotivité considérable.
- Il éprouve un choc devant l’insolite et les changements brutaux.
- Les enfants trop couvés ne sauront pas se conduire en hommes.
- Une éducation s’impose dès les premières semaines.
- Une chose ne doit pas être une fois punie, une autre fois tolérée sinon le caractère et le comportement futurs s’en ressentiront.
- C’est pendant le premier âge que s’acquièrent les automatismes.
Sans vouloir en aucune façon animaliser l’enfant ou être taxé d’anthropomorphisme, nous ne pouvons que noter les similitudes avec l’animal.
Les règles essentielles :
– La compréhension
C’est l’évidence : l’animal ne s’exécutera que dans la mesure où il aura compris ce que l’on exige de lui. Rappelons qu’un terme n’a aucune signification en lui-même, tant qu’il n’est pas lié à l’action correspondante. On pense que, sur le terrain de dressage, cette compréhension est facilitée par l’observation : les nouveaux imiteraient les plus expérimentés. Cela est très vraisemblable. Il en est de même lorsque le maître franchit lui-même l’obstacle pour faire comprendre la signification du terme « saute ».
Celui qui s’emporterait parce que son chien ne réaliserait pas convenablement un exercice, devrait donc faire d’abord son auto-critique et s’assurer que l’animal a compris. Il n’en sera évidemment pas de même quand l’échec aura pour origine la paresse ou le caprice.
Citons au passage le cas de certains chiens élevés à l’étranger, qui arrivent en France sans avoir jamais entendu parler notre langue. Nous conseillons alors au propriétaire d’adjoindre au terme habituel – et pendant quelques temps – sa correspondance en français, puis d’abandonner progressivement le premier.
– La progression
Partant d’exercices simples, il s’agira d’augmenter la difficulté de façon croissante, en fonction du niveau de compréhension et dans la mesure où les exercices précédents auront été assimilés.
Il ne viendrait à l’idée de personne d’imposer d’emblée au jeune enfant un niveau élevé d’enseignement. Pourtant, certains maîtres en sont là, qui ne tiennent pas compte, en outre, des faibles possibilités d’attention du jeune chien. Disons que toutes proportions gardées, il est dans l’enseignement canin, d’abord un degré élémentaire, aboutissant par paliers successifs au supérieur, en l’occurrence les concours.
– La répétition
Elle permettra de créer les automatismes et de les implanter. Mais il faudra en user seulement, et ne pas en abuser, sous peine d’aboutir à la monotonie à partir d’un certain seuil de saturation.
Ce serait rabaisser le chien au rang d’une simple mécanique, de considérer quand les automatismes seront créés, qu’ils jailliront immuablement. C’est bien là le but recherché par la répétition, et l’aboutissement du dressage, mais de nombreux facteurs risquent d’entraver la bonne marche du « mécanisme ». Il importe donc d’avoir présent à l’esprit que, le chien, étant fait – tout comme nous – de matière vivante, peut être, lui aussi, sujet à des défaillances. Nous pouvons en limiter la fréquence, mais sans plus.
Il suffit d’avoir assisté à des concours de haut niveau pour admettre le bien-fondé de cette observation. Dans les milieux sportifs humains, on parle bien d’une « baisse de forme » ou de « contre-performance ».
– Constance et logique
Le chien n’appréciera pas les flottements d’autorité, qui risquent de le rendre nerveux et irritable. Quant aux ordres contradictoires, ils le déroutent. Il a besoin de fermeté mais aussi de logique : ce qui est défendu un jour, ne devra pas être toléré le lendemain.
Ne nous y trompons pas, l’animal qui vit au contact des maîtres les observe et sait très bien exploiter leurs défaillances.
– La récompense
L’exercice bien exécuté devra toujours être récompensé. On pense, à juste titre, que l’animal est très sensible aux marques de satisfaction prodiguées par le maître, et qu’elles constituent un précieux encouragement. Il y aura donc lieu de caresser, en prononçant d’une voix douce le « c’est bien » ou « il est beau ». Le regard et les battements de la queue témoigneront alors du plaisir ressenti.
Reste la franchise, ou le morceau de viande. Nous pensons que cette méthode peut être utilisée dans la mesure où la précédente ne serait pas suffisante, et seulement au tout début de l’apprentissage. Sinon le chien quémandera toujours et, concernant les friandises, il n’est pas souhaitable qu’il en mange trop et à tout moment.
– Les sanctions
Elles s’insèrent dans toute action éducative, mais il y aura des degrés, tenant compte des caractéristiques de l’animal. Rappelons le premier principe fondamental : ne punir que sur le fait, afin de bien établir l’enchaînement, faute : sanction. Soulignons de nouveau l’importance de l’intonation, quel que soit le terme auquel on aura habitué le chien, il sera prononcé d’une voix forte.
On peut être amené à joindre le geste à la parole. Faire mal n’est pas souhaitable, et bien que l’on se rapproche du domptage, il est quelquefois nécessaire d’en arriver là. Il ne semble pas qu’il faille frapper fort, c’est plus l’action en elle même et le comportement du maître à ce moment, qui paraissent importants. Avec certains « durs », il ne faudra pas hésiter : c’est le maître, « chef de meute », qui doit avoir le dernier mot. « Qui aime bien châtie bien » : un petit coup de laisse sur le museau est souvent suffisant.
Quant au châtiment corporel dans toute son ampleur : la forte correction, l’avalanche de coups … il tient une place particulière dans le dressage du chien. Et, mis à part le maître sadique, il peut s’agir d’une ultime tentative pour conquérir le chien, la place de chef de meute où on l’a laissé s’installer. (Nous excluons le chien déséquilibré, véritablement perturbé – il en existe – qui représente un cas particulier).
Contraindre par la force un animal adulte qui aura été jusque-là le « Seigneur », c’est un risque à courir. S’il est d’une nature à courber l’échine pour enfin se mettre sur le dos – faisant ainsi acte de soumission – vous devenez le chef. Il était grand temps, organisez-vous pour le rester.
Si par contre il n’était pas de cette nature, vous auriez tout intérêt à lui mettre la muselière : il n’accepterait pas très longtemps les sévices, et vous pourriez en faire les frais. Par la suite, et dans la mesure où son comportement s’améliorerait, adoptez l’attitude qui vous permettra de rester le « numéro un ».
Nous voici donc revenus à cette forme de préséance, selon laquelle certains chiens aspirent à être les chefs d’une « meute humaine » dans laquelle ils vivent. Ajoutons que l’on a pu, bien involontairement, favoriser cette accession.
Si vous n’affrontez pas le jeune chien qui, après avoir commis une faute, se réfugie sous la table et y grogne à votre approche, vous avez déjà perdu un point. Un jour prochain, il en arrivera à montrer ses crocs d’adulte et vous n’oserez plus intervenir : encore un chef de meute en puissance. Nous en connaissons d’autres et même parmi ceux d’un petit format.
Arrivés au terme de ce chapitre, certains lecteurs penseront peut être qu’il y a là un luxe de prescriptions eu égard au sujet. Que, de plus, ils ne disposent pas du temps suffisant pour mener à bien cette éducation (d’autant qu’il peut y avoir celle des enfants à assurer). A ceux-là nous répondrons oui et non.
Oui, s’ils ont la chance de posséder le chien « facile » et peut-être « bonnasse ». Il en est – recrutés pourtant parmi les races spécialisées – qui, au grand dam de certains maîtres, ne sont pas plus de garde que de défense, mais particulièrement affables et dociles avec quiconque.
Oui, dans le cas contraire et s’il vit à l’écart, conservé à l’état brut, utilisé uniquement comme « arme de dissuasion ».
Non, par contre, d’autant plus qu’il sera « à problèmes », qu’on le souhaiterait de compagnie, sociable avec les étrangers (quand on le lui demande) et sortable par surcroît.
Quels que soient les services exigés de l’animal, une stricte obéissance est indispensable pour aborder une formation particulière. Soulignons, de nouveau, que le chien de défense est une arme, et qu’il faut être à même de pouvoir le contrôler à tout instant.
Extrait du Traité Pratique de Dressage de Marcel Gesell « Je dresse mon chien à la défense ».