L’un des principes fondamentaux de l’organisation de la vie sur Terre est que les cellules coopèrent. C’est évident dans le cas des organismes multicellulaires, du nématode à l’homme, mais cela semble s’appliquer largement aux organismes unicellulaires comme les bactéries, champignons, et amibes.
Dans de nombreux cas, le terme « unicellulaires » s’applique à une partie seulement du cycle de la vie de ces organismes. Par exemple, l’amibe modèle (Dictyostelium discoïdeum) est unicellulaire dans des conditions d’abondance nutritionnelle, mais en cas de famine, il transmet le message pour former des agrégats qui vont par la suite passer par les stades multicellulaires de limace puis de carpophore. En effet, à la lumière des récentes découvertes de la communication entre les bactéries et l’importance et la prévalence des biofilms bactériens, le terme « unicellulaires » pourrait se révéler un abus de langage, même pour ces organismes.
Ici, nous mettons en avant certains des meilleurs exemples étudiés de la communication entre les micro-organismes et tenteront d’identifier quelques-unes des questions importantes dans ce nouveau domaine.
Comprendre la communication entre les micro-organismes présente de nombreux défis à la fois conceptuels et mathématiques, à la jonction de l’évolution biologique, mais également la théorie selon laquelle des substances autonomes pourraient posséder de nouvelles propriétés, ce sont deux des domaines les plus passionnants en biologie mathématique moderne.
La plupart des cas les mieux étudiés de la communication entre les micro-organismes concerne la coopération intra-espèces. Par exemple, le « quorum sensing » parmi les bactéries, cette capacité à communiquer et qui leur permet de produire des cellules, de sécréter et de détecter ces petites molécules appelées « auto-inducteurs ».
A haute densité cellulaire, les bactéries entrent dans un nouveau mode d’existence caractérisé par l’expression des gènes associés à des comportements collectifs, c’est la meilleure manière de se concerter pour de nombreuses cellules. Ces comportements incluent la formation de biofilms de protection, les facteurs d’attaques virulentes, la production de lumière et la capacité à échanger l’ADN.
La coopération entre les différentes espèces de micro-organismes est beaucoup moins comprise, ou étudiée, en partie pour des raisons pratiques, mais aussi parce que l’ubiquité de la communication entre les micro-organismes n’a été que récemment appréciée.
Néanmoins, il est clair depuis de nombreuses années que les bactéries forment des biofilms sur de nombreuses surfaces (y compris les dents humaines, des articulations artificielles et d’organes, ainsi que dans les racines des plantes, y compris les cultures) qui se composent de grands consortiums de différents organismes.
En outre, il est clair que, loin d’être un cas de pure concurrence darwinienne, les interactions entre ces espèces qui accueillent des hôtes eucaryotes pourraient être mutuellement bénéfiques. Un récent exemple est la découverte d’une interaction entre quatre espèces de bactéries et des plants de tomates.
Plutôt que de se concurrencer, les quatre espèces ont choisi de coexister et de promouvoir fortement la croissance des plants par la fixation de l’azote, par là même de fournir des hormones de croissance, et prévenir l’ensemble des espèces en cas de survenue, de plus en plus fréquente, de bactéries hostiles.
Comprendre comment cette communication a vu le jour, en particulier parmi un grand nombre d’espèces, présente un défi pour les praticiens en biologie moléculaire et en biologie évolutive, ainsi que pour les théoriciens.
Est-ce que la communication serait mieux comprise que la convergence des intérêts immédiats de nombreux groupes ? En cas d’évolution, les comportements altruistes pourraient conduire à la stabilité sur le court terme et fournir des avantages pour tous sur le long terme.
Ces questions ont joué un rôle central dans la biologie de l’évolution depuis l’époque de Darwin, qui apparemment considérait le comportement altruiste comme un défi pour sa théorie. Particulièrement surprenants sont les niveaux extrêmes de coopération et d’altruisme, (le rôle des reines), chez les fourmis et les termites.
Les défis dans la compréhension de la communication entre les micro-organismes et comment elle se renforcera au cours de l’évolution par une production plus stable et même multicellulaire sont la base de la compréhension de la biologie. Il est essentiel de comprendre comment l’évolution est complexe, comment les organismes se regroupent et profitent des décisions collectives et comment les populations de divers organismes interagissent pour s’auto-renforcer grâce à cet avantage mutuel.
Il est également essentiel de comprendre le maintien des communautés écologiques et les modèles de cycle des éléments nutritifs. Les approches mathématiques du passé apportent un fondement, mais de nouvelles techniques mathématiques comme la théorie des jeux dynamiques ou le processus stochastique spatial seront nécessaires pour mettre à nu les vérités essentielles.
Des progrès considérables ont été accomplis ces dernières années dans l’élaboration des mathématiques, et nous sommes au seuil d’avancées spectaculaires dans notre compréhension du comportement coopératif, l’une des principales questions fondamentales en biologie.